dimanche 9 décembre 2012

Prélude

Et voici ce qui aurait pu être le début d'une histoire. Si celle-ci perdurera, cette introduction n'y sera pas pour autant. Mais j'ai tout de même estimé que ce n'était pas un écrit voué à l'oubli le plus total et c'est pourquoi il apparaît là. Bonne lecture !





Dorogar




New York - Wall Street



   Au sein d'une tour parmi tant d'autres, une réunion importante avait lieu. Cela se passait dans une vaste salle de conférence immaculée, sur-éclairée. Sur les murs étaient accrochés plusieurs écrans montrant les fluctuations de la bourse en direct, tandis qu'au centre de la salle trônait une immense table circulaire. Douze personnes étaient installées autour de celle-ci tandis qu'une treizième restait debout, près d'un ordinateur muni d'un rétro-projecteur numérique. Toutes les personnes de l'assemblée affichaient le même air désabusé, ennuyé tandis qu'ils suivaient avec un intérêt vague le monologue de la personne restée debout.
   En effet, il était temps au sein de la Milky Way Factory - Une industrie spécialisée en produits laitiers - de licencier des employés. Chaque fin de mois accueillait irrémédiablement ce type de réunion, les finances étant sans cesse plus exigeantes.
   Après son long monologue sur la baisse dramatique des recettes de l'entreprise, l'homme debout éteignit le rétro-projecteur et balaya l'assemblée d'un regard fatigué.
                                                                                                                                    
  " -Bien, nous allons maintenant aborder le problème pour lequel nous sommes tous réunis ici aujourd'hui. En règle générale il ne m'est pas nécessaire de tous vous consulter pour un licenciement de personnel, mais cette fois-ci est exceptionnelle... Ce sera un cadre qui devra quitter notre entreprise."                                      
                                                                                                                                    
   Un sursaut de surprise ébranla l'assemblée. Tandis que les murmures de mécontentement commençaient à monter, l'homme repris sur un ton sans appel :
  
   "-Je suis conscient que la décision est inattendue, mais je ne reviendrais pas sur celle-ci. Nous allons donc..."
  
   Une femme replète, les sourcils froncés, se leva et lui coupa la parole.
  
   "-J'estime une telle mesure bien trop draconienne. Nous avons tous notre utilité au sein de l'entreprise, et il paraît inconcevable qu'un supérieur soit licencié !"
  
   Un brouhaha d'acclamation reçut sa remarque. Avec un sourire en coin elle continua :
  
   "-Oui, nous avons tous une certaine importance, car nous sommes ceux qui permettons a la Milky Way Factory de fonctionner. Je propose donc une alternative... Pourquoi ne pas licencier le gérant de la communication ? Il a toujours été un incapable et un rêveur. Ses spots publicitaires étaient bien trop subtils et onéreux, en plus d'être inefficaces. Voilà ce que l'on obtient à vouloir romancer ! Les clients se désintéressent et ne consomment pas. Je suis prête à assumer son poste et m'engage à créer des publicités qui nous reviendront moins cher et qui attireront les clients plus sûrement ! Et ainsi nous ferons l'économie d'un poste qui n'était au final pas réellement utile."
 
 "-Qu'en pensez vous Directeur ?", demanda-t-elle en plantant ses yeux dans ceux de l'homme debout.

   Celui-ci réfléchit un instant, puis se tourna vers l'assemblée.

   "-Je suis prêt à prendre ce risque, qu'en pensez-vous, vous autres ? J'en appelle à un vote !"


   Une a une, lentement, les mains se levèrent, acquiesçant l'initiative de la femme qui se re-asseya avec un sourire rayonnant.
  
   "-Nous avons donc trouvé une solution a notre problème. Si le fait de sacrifier ce poste peut rétablir nos finances, nous le ferons avec joie. Cette réunion est terminée, je vous remercie de votre présence."
  
   Les supérieurs de la Milky Way Factory se levèrent et rentrèrent chez eux, heureux de garder leur poste. Pas un ne s'inquiétait du sort du responsable en communication, un bouc-emmissaire leur convenait parfaitement puisqu'ils n'étaient pas atteints eux-même.
   Quelque part au sein de cette immense ville de New York, véritable ruche à échelle humaine, un homme se retrouvait au chômage, privé de ses rêves. Un de plus.


   Bienvenue dans un monde moderne, implacable réalité d'une société ou le plus fort écrase le plus faible. Un monde ou le profit est roi, un monde ou l'imagination se retrouve amputée de ses lettres de noblesses, un monde ou la vie devient l'attente de la mort.


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Carnac - Bretagne



   Il fait nuit, les touristes venus des quatre coins du monde afin de visiter les alignements de pierres millénaires sont partis, laissant le lieu uniquement habité par les animaux nocturnes, le vent et les ombres.
   A la lumière de la lune, le lieu baigne dans une atmosphère paisible, intemporelle. Quiconque restant à cet endroit en cet instant aurait l'impression de remonter plusieurs centaines d'années dans le passé, au temps ou les mots "magie" et "mythe" avaient encore une importance.
   Soudain, la cacophonie des animaux nocturnes se dissipe, faisant place à un silence lourd, calme annonciateur de la tempête. Au cœur du site, parmi les armées de menhirs, le vent commence à tournoyer. Doucement d'abord, puis, gagnant en puissance, il forme un vortex. Le vortex devient tourbillon, puis le tourbillon devient peu a peu tornade, soulevant de lourds nuages de poussière. La vitesse s'accroît encore, et encore. Le vent hurle, les pierres profondément fichées dans le sol vacillent, la terre elle-même semble rugir. Au milieu de ce chaos d'éléments, une forme sphérique se matérialise.
  
  
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    ...
    Que suis-je ?
    Les éléments se déchaînent autour de moi - me protègent - tandis que je prends forme.
    Issu de la terre et du vent, mon être se construit, tandis que mon esprit, lentement, est instruit. Par un feu de haine ardente. Chacune des leçons est inculquée d'une manière incroyablement brutale dans ma conscience. Et c'est ainsi que j'apprends la raison de mon existence.
    Une exaltation de connaissance. Plusieurs images se succèdent. Des organismes appelés Humains. De grandes prouesses architecturales, de magnifiques ouvrages manuscrits, des œuvres d'art. Pléthore de découvertes plus incroyables les unes que les autres. Grâce à leur imagination, les humains vont sans cesse plus loin, toujours plus haut.
    Soudain, une déchirure.
    L'élan d'inspiration les poussant en avant s'est éteint, et laisse place à une mélancolie qui m'est incompréhensible. Les croyances, les rêves... s’éteignent comme meurt une flamme, laissant place à un manque d'inspiration, une mort artistique et magique.
    Une immense tristesse m'envahit. Les légendes se tarissent, les croyances se dissipent, l'artiste laisse sa place au calculateur.
    Et la terre sur laquelle ils vivent meurt, à petit feu.
   
    Alors que les éléments se calment autours de moi, un flot de vengeance m'étreint, comme si les vannes d'une colère bouillonnante avaient soudainement sauté afin de laisser déferler leurs eaux dévastatrices. Ma mission - ma volonté - apparaît clairement maintenant. Cette gigantesque masse d'humains n'a plus de raisons d'être désormais. Bien plus que cela, elle est néfaste au monde qui les abrite.
    Destruction et reconstruction. Chaos devenant le terreau d'une terre rétablie. Je serais l'acteur de la création, et ce afin de préserver la vie.
    Je serais Dorogar, le nouveau démiurge.


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   Le vent est maintenant calme. La sphère, elle, émet maintenant une lumière rougeâtre. Dans un craquement, elle s’effrite, puis tombe en morceaux. Peu à peu, ceux-ci se meuvent et s'élèvent dans les airs de façon erratique, formant une véritable nuée de particules disparates et bourdonnantes.
   Une fois complètement formé, le nuage tourne un instant sur lui-même avant de se diriger vers les lueurs de la plus proche ville.


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